J'entends
à l'instant un commentaire d'un politologue communiste sur
l'individualisme des consommacteur (qu'il qualifie d'impasse) qu'il
oppose à l'organisation collective sur la production (qu'il valorise
comme processus révolutionnaire).
Sans me prononcer sur le propos en question, cette dichotomie m'inspire une réflexion: un même agent économique (boulanger patron ou boulanger ouvrier, par exemple, pour faire simple) a des intérêts économiques divergents selon qu'il se considère du point de vue individuel (les cotisations ou les impôts sont des charges qu'il faut minimiser) ou collectif (les cotisations ou les impôts sont des prestations qui profitent à l'ensemble de la société).
Cette vision économiste un peu étroite permet de voir autrement la question individu vs collectif et d'éviter une vision morale des choses (le parti, c'est bien, l'action collective, c'est bien et l'individu, c'est mal). C'est le même boulanger qui peut avoir une vision individualiste ou collectiviste des choses. Ces manières de voir ne sont ni bonnes, ni mauvaises, ni vertueuses, ni vicieuses. Elles ne sont ni vraies, ni fausses, elles correspondent à une prise de parti, à un engagement dans le monde. Soit on voit le collectif comme une force, comme un appui, comme une source de droit pour l'individu (l'ensemble des boulangers s'acquittant des mêmes cotisations et des mêmes impôts, ces sommes sont répercutées sur les prix par l'ensemble des agents économiques en concurrence sans poser de problème puisque la pression est la même pour tout le monde); soit on voit le collectif comme une charge pour l'individu (mes impôts, mes cotisations me coûtent, je dois les financer, de plus ou moins bon gré, par générosité ou par obligation).
Les visions collectives et individualistes s'alignent, par contre, au-delà de l'ethos discutable de la geste collective ou du sacrifice du héros pour le groupe, dans le Zeitgeist, dans l'idiosyncrasie propre à un moment, à un être. Et ouvrent un choix peut-être plus autorisé. Il ne s'agit alors, dans cette perspective, pas tant d'être du côté du bien, du choix bon et vertueux que de définir un collectif humain soit comme un faix pour l'individu, soit comme une force et ce sans tomber dans la geste héroïque révolutionnaire sublime. De ce point de vue, les cotisations ne sont plus des cotisations, ce sont des productions collectives dont l'individu n'est qu'un intermédiaire, une surface de calcul; l'individu lui-même, avec son salaire, ses droits sociaux et ses droits tout court, n'est plus une charge pour le collectif mais un de ses fondements. De la même façon, un collectif n'est pas une charge pour une individu mais une source de droit dans cette optique.
On notera que, entre les deux options économiques, il y a l'idée, peut-être exotique mais qui correspond à la thèse de Harribey, selon laquelle ce qui coûte à tous ne coûte à personne. Les frais universels sont répercutés sur les prix sans que cela ne coûte au producteur (employé ou employeur).
D'où la question, purement économique dans cette réflexion - et dans cette réflexion seulement - de savoir si ce qui bénéficie à tous peut être qualifié de coût ou, pour le dire plus platement, si se plaindre des cotisations, des droits sociaux, des échelles barémiques ou des impôts a un sens. Ce qui peut en avoir, par contre, dans cette vision collective, c'est la justice, l'équité des contributions. Si certains paient et pas d'autres, si l'universalité de la contribution n'est pas de mise, alors ceux qui sont exemptés font payer leurs privilèges à ceux qui ne sont pas exemptés soit en emportant les marchés en profitant de leurs aides indirectes, soit en accumulant davantage de profit que leurs compétiteurs non exemptés. Quoi qu'il en soit, on peut alors parler de véritable coût relatif pour ces derniers.
En suivant mon raisonnement, l'universalité du droit devient alors une condition du point de vue collectif et, à l'inverse, le passe-droit, le privilège, l'exception en signe l'arrêt de mort.
Si je prolonge encore ma petite réflexion en roue libre: le droit dans son universalité est condition de la possibilité de penser la création de richesse dans sa dimension collective.
Un point de vue qui, considéré par l'économique, ne manque peut-être pas de pertinence. Tous les employeurs ont intérêt à faire baisser cotisations et salaires s'ils voient les choses d'un point de vue individuel (une plus grande partie de la valeur ajoutée pourra être consacrée à leur propre rémunération) mais, par le truchement de la concurrence, si les salaires baissent, les prix vont baisser et leur bénéfice fondra comme neige au soleil. D'autre part, d'un point de vue collectif, les entrepreneurs ont intérêt à ce que les marchés soient solvabilisés ... par les salaires. Du point de vue de l'employeur individuel, il faudrait que tous les salaires des concurrents augmentent pendant que ceux de sa boîte baissent, ce qui est juste impossible. Le point de vue collectif autour du droit et de l'universalité permet de solvabiliser les marchés, c'est-à-dire, in fine, de construire les conditions d'une production, d'une prospérité générale.
Montesquieu plus productif que Hayek, étonnant, non?
Sans me prononcer sur le propos en question, cette dichotomie m'inspire une réflexion: un même agent économique (boulanger patron ou boulanger ouvrier, par exemple, pour faire simple) a des intérêts économiques divergents selon qu'il se considère du point de vue individuel (les cotisations ou les impôts sont des charges qu'il faut minimiser) ou collectif (les cotisations ou les impôts sont des prestations qui profitent à l'ensemble de la société).
Cette vision économiste un peu étroite permet de voir autrement la question individu vs collectif et d'éviter une vision morale des choses (le parti, c'est bien, l'action collective, c'est bien et l'individu, c'est mal). C'est le même boulanger qui peut avoir une vision individualiste ou collectiviste des choses. Ces manières de voir ne sont ni bonnes, ni mauvaises, ni vertueuses, ni vicieuses. Elles ne sont ni vraies, ni fausses, elles correspondent à une prise de parti, à un engagement dans le monde. Soit on voit le collectif comme une force, comme un appui, comme une source de droit pour l'individu (l'ensemble des boulangers s'acquittant des mêmes cotisations et des mêmes impôts, ces sommes sont répercutées sur les prix par l'ensemble des agents économiques en concurrence sans poser de problème puisque la pression est la même pour tout le monde); soit on voit le collectif comme une charge pour l'individu (mes impôts, mes cotisations me coûtent, je dois les financer, de plus ou moins bon gré, par générosité ou par obligation).
Les visions collectives et individualistes s'alignent, par contre, au-delà de l'ethos discutable de la geste collective ou du sacrifice du héros pour le groupe, dans le Zeitgeist, dans l'idiosyncrasie propre à un moment, à un être. Et ouvrent un choix peut-être plus autorisé. Il ne s'agit alors, dans cette perspective, pas tant d'être du côté du bien, du choix bon et vertueux que de définir un collectif humain soit comme un faix pour l'individu, soit comme une force et ce sans tomber dans la geste héroïque révolutionnaire sublime. De ce point de vue, les cotisations ne sont plus des cotisations, ce sont des productions collectives dont l'individu n'est qu'un intermédiaire, une surface de calcul; l'individu lui-même, avec son salaire, ses droits sociaux et ses droits tout court, n'est plus une charge pour le collectif mais un de ses fondements. De la même façon, un collectif n'est pas une charge pour une individu mais une source de droit dans cette optique.
On notera que, entre les deux options économiques, il y a l'idée, peut-être exotique mais qui correspond à la thèse de Harribey, selon laquelle ce qui coûte à tous ne coûte à personne. Les frais universels sont répercutés sur les prix sans que cela ne coûte au producteur (employé ou employeur).
D'où la question, purement économique dans cette réflexion - et dans cette réflexion seulement - de savoir si ce qui bénéficie à tous peut être qualifié de coût ou, pour le dire plus platement, si se plaindre des cotisations, des droits sociaux, des échelles barémiques ou des impôts a un sens. Ce qui peut en avoir, par contre, dans cette vision collective, c'est la justice, l'équité des contributions. Si certains paient et pas d'autres, si l'universalité de la contribution n'est pas de mise, alors ceux qui sont exemptés font payer leurs privilèges à ceux qui ne sont pas exemptés soit en emportant les marchés en profitant de leurs aides indirectes, soit en accumulant davantage de profit que leurs compétiteurs non exemptés. Quoi qu'il en soit, on peut alors parler de véritable coût relatif pour ces derniers.
En suivant mon raisonnement, l'universalité du droit devient alors une condition du point de vue collectif et, à l'inverse, le passe-droit, le privilège, l'exception en signe l'arrêt de mort.
Si je prolonge encore ma petite réflexion en roue libre: le droit dans son universalité est condition de la possibilité de penser la création de richesse dans sa dimension collective.
Un point de vue qui, considéré par l'économique, ne manque peut-être pas de pertinence. Tous les employeurs ont intérêt à faire baisser cotisations et salaires s'ils voient les choses d'un point de vue individuel (une plus grande partie de la valeur ajoutée pourra être consacrée à leur propre rémunération) mais, par le truchement de la concurrence, si les salaires baissent, les prix vont baisser et leur bénéfice fondra comme neige au soleil. D'autre part, d'un point de vue collectif, les entrepreneurs ont intérêt à ce que les marchés soient solvabilisés ... par les salaires. Du point de vue de l'employeur individuel, il faudrait que tous les salaires des concurrents augmentent pendant que ceux de sa boîte baissent, ce qui est juste impossible. Le point de vue collectif autour du droit et de l'universalité permet de solvabiliser les marchés, c'est-à-dire, in fine, de construire les conditions d'une production, d'une prospérité générale.
Montesquieu plus productif que Hayek, étonnant, non?